
Il savait. Il savait ce qui allait en découdre, s'il se décidait à déserter le combat. Mais il ne pouvait pas. Il n'en pouvait tout bonnement plus. Drago n'était point un homme de guerre. Surtout quand il s'agissait d'un combat qui ne demeurait point le sien. Il savait quelles seraient les conséquences, s'il faillait à sa mission, et l'énorme déception de son père lorsqu'il l'apprendrait. Mais pour une fois, le jeune homme voulait vivre pour lui, et faire le choix de ce qui demeurait bon pour sa personne, et ce qui serait nocif. Il parlait comme s'il avait le choix. Il parlait comme s'il était possible de se défaire de dix-sept années d'endoctrinement totalitaire et stupide. Peut-être que pour une fois, il estimait valoir mieux que ça. Peut-être que pour une fois, il voulait se donner la liberté de penser autrement.
Severus, ancien professeur avait fait son choix, mais le jeune homme savait pertinemment qu'il ne le trahirait pas, et qu'il pouvait lui confier ses doutes. C'était ce qu'il venait de faire, mais Severus ne l'accueillit cependant pas d'un très bon ½il. C'était du suicide. C'était du pur suicide, mais Rogue ne pouvait guère se résoudre à le laisser dans un tel désarroi, une telle incertitude. L'ancien professeur finit par se racler la gorge, tentant vainement de se redonner une contenance face à ses révélations. Il sortit de sa cape une fiole, qu'il tendit au vert et argent. Visiblement, c'était devenue une habitude ces temps-ci, ne put-il point s'empêcher de railler intérieurement.
« Tu as une grave décision à prendre, c'est pour cela que j'aimerai que tu réfléchisses encore un peu. Mais si ta décision demeure irrévocable, bois ceci, et tu n'auras plus qu'à tout recommencer. »
« Qu'à recommencer ? Qu'à recommencer quoi ? » S'enquit Drago, la suspicion se lisant sur son visage blafard.
« Tu le sauras bien assez tôt, ne t'en fais pas pour cela. Mais ne réfléchis pas trop, le temps presse, et tu le sais bien. » Termina-t-il, avant de s'en aller, s'engouffrant, disparaissant dans les méandres de la forêt interdite.
La nuit était tombée depuis quelques heures maintenant. Le ciel était couvert par un énorme manteau de nuage, tant que l'on n'arrivait point à distinguer la moindre constellation. C'était ce que le jeune homme avait pour habitude d'appeler : une nuit en suspend. Ou tout simplement, une nuit de perdue. Les étoiles demeuraient son plus grand remède, lorsque ses idées étaient en vrac, voilà pourquoi il adorait méditer en haut de la tour d'astronomie. Mais cela ne servirait à rien ce soir, car même celles-ci sentaient le chaos arriver, et n'osaient guère se montrer. Peut-être qu'elles jugeaient tout simplement, qu'ils ne méritaient pas leur lumière réconfortante. Drago poussa un soupir las, avant de rejoindre le château. Fort heureusement, son statut de préfet en chef lui ouvrait pas mal de porte, et l'aidait à faire quelques entorses au règlement. Bien qu'il n'ait pas besoin de cela pour négocier ces quelques légers dérapages.
Sa discussion avec son ancien professeur lui avait fait le plus grand bien, mais ne l'avait guère avancé. Que devait-il faire ? Peut-être se résigner, et faire ce que l'on attendait de lui. Son indécision finirait par lui coûter cher, il en était conscient. Mais dans le fond, il ne pouvait se résoudre à quitter ce qu'il avait toujours connu. La haine. L'intimidation. Son père. Voldemort. Choisir cette option était plus facile, mais il ne cessait de repenser à cette nuit au manoir. Cette nuit, où il avait dû torturer, souillé, tuer un moldu. La haine qu'il avait ressenti, avait réussi à tout remettre en question. Cette haine viscérale, qu'il avait eu contre lui-même.
La blonde poussa un soupir, presque inaudible, semblables à ses cris étouffés. Il était inutile d'arranger les choses pour son visage, ce bleu était décidément énorme. Le moins que l'on puisse dire, c'était que cette fois il ne l'avait pas raté. D'ailleurs, elle ne se souvenait même plus du sujet de leur dispute, et dans le fond, cela n'avait aucune importance. Une nouvelle fois, elle allait devoir assumer sa soumission devant toute l'école, essayant de rester le plus digne possible. Ce n'était pas difficile pour elle, sa fierté surpassant de loin la douleur.
Malgré son statue, la jeune Serpentard avait toujours idéalisé le mariage, espérant comme chaque fille de son âge, une union heureuse. Elle l'avait espéré, mais elle savait au plus haut point que dans son monde, cela n'existant pas. Dans l'expectative, elle aurait au moins espéré un homme qui la respecterait. Mais même le respect, cet enfoiré n'avait point su le lui offrir. Mais paradoxalement, ce n'était pas à lui qu'elle en voulait. Comme affirmait précédemment, les fous n'avaient pas de loi, n'avaient point de religion, de logique, car seule la monstruosité, la cruauté demeuraient leur maître. Celui qu'elle maudissait était son père. Celui qui était censé la protéger, et lui offrir ce que le monde avait de mieux, l'avait offerte à Satan, pour une simple histoire de dette à couvrir. Il l'avait offerte, et ne se préoccupait à présent plus d'elle, la laissant aux bons soins de cet homme qui finirait par la tuer. Une larme faillit s'échapper de son océan, mais elle la ravala aussitôt. Il était inconvenant de se mettre à pleurer, surtout pour de telles sottises. D'autant plus, que Denitsa se refusait de verser une seule goutte pour Blaise, ne voulant point lui offrir cet honneur. C'était d'ailleurs peut-être pour cela qu'il la haïssait, pour son éternelle indifférence. Indifférence, qui le confortait dans son idée qu'elle ne lui appartiendrait jamais.
Denitsa se retourna vivement, sentant une présence derrière-elle, puis elle ne put s'empêcher de souffler à la vue de Drago. Il était là depuis quelques minutes, à dire vrai, le regard vide, ne sachant plus réellement où il demeurait. Jamais l'adolescente n'avait eu l'occasion de lui parler, Blaise l'obligeant à se taire devant ses amis ; elle n'était là que pour le servir. Drago était le seul à avoir eu un semblant d'égard pour la blonde, et ayant de l'influence sur Blaise, le jeune homme n'osait point la frapper en sa présence. Le moins que l'on puisse dire, c'était qu'elle avait décroché le gros lot : un homme aux coutumes moyenâgeuses, qui gonflait son ego en maltraitant celle qu'il était censé aimer, un lâche, et un abruti par la même occasion.
« Que me vaut ce plaisir ? » Finit-elle par lui demander, obligeant le jeune homme à sortir de sa profonde léthargie.
À vrai dire, lui-même, ne savait pas ce qu'il foutait là. Ses pas l'avaient mené vers elle, sans qu'il ne puisse expliquer la raison. Avait-il peut-être besoin d'un visage amical, censé, pour une fois ? Ils étaient pourtant loin d'être des amis, mais il avait la sensation, qu'ils demeuraient tous les deux dans le même bateau. En ce moment, il mourrait d'envie de faire référence à ce conte pour enfants moldus, le vilain petit caneton. Ou serait-ce la vilaine petite volaille ? Qu'importe, quoi-qu'il en soit, ils étaient tous les deux les pommes pourries du peuple Mangemort, sauf que lui essayait de sauver son nom. Or, la jeune fille semblait n'en n'avoir que faire.
Un autre silence s'installa, un silence pendant lequel ils se contentèrent de se toiser. Que lui voulait-il ?
« Pourquoi tu ne pars pas ? »
La blonde fronça ses fins sourcils, son nez se retroussant légèrement. Elle savait de quoi il parlait, mais pour une fois, la jeune femme voulait jouer les imbéciles. Pourquoi ? Cette question elle se l'était tant posé, mais jusqu'à aujourd'hui elle n'avait jamais trouvé de réponse. Pourtant elle n'avait rien à perdre. Sa mère était morte sous les coups de son père, et à présent, elle n'avait plus aucune attache. Mais la peur demeurait omniprésente, bien malgré elle, et Denitsa ne saurait où aller, si elle se décidait à s'enfuir. Pour le moment elle préférait encaisser, et voir où tout cela allait la mener ; peut-être que Blaise allait changer. Bien que ce soit stupide, la jeune femme se rattachait à cet espoir.
Denitsa se contenta simplement de hausser les épaules, comme s'ils étaient sur le point d'échanger d'ennuyeuses banalités.
« Cette question je me la pose tous les jours. Mais parfois, il faut simplement se résigner, et continuer à avancer. » Lâcha-t-elle tout simplement. « Il y a un jour où tout le monde devra répondre de ses actes, il faut juste être patient. » Termina-t-elle, ne se rendant point compte de l'énorme boulette qu'elle venait de commettre. Mais elle la comprit, en voyant le regard du Serpentard s'assombrir. Elle se souvenait encore, de la manière dont-il avait torturé ce moldu. Elle se souvenait encore, de la manière dont-il l'avait tué, de sang froid. « Tu n'avais pas le choix, ne te sens pas fautif. » Se permit-elle d'ajouter, se rendant compte qu'elle se montrait trop bavarde, et qu'irrémédiablement, elle mettait les pieds dans le plat.
« Qui te dit que je me sens fautif ? » Ragea-t-il, faisant cette fois preuve d'une mauvaise-foi évidente. « Je méprise ces êtres inférieurs. »
« Pourtant, ce que je lis dans tes yeux me prouve le contraire. » Répondit-elle, implacable, ne le quittant point du regard, et en cet instant il comprit. Il comprit cette haine prononcée que Blaise avait envers cette fille, qui avait le don de le repousser dans ses retranchements.
Mais elle avait raison. Elle avait raison, il n'assumait que très difficilement son acte. Cet acte irréparable qu'il avait commis. Cette scène qui berçait ses nuits de tourment, de cauchemars incessants. Cette scène qu'il voulait oublier, mais qu'elle venait de remettre sur le tapis, telle l'abrutie qu'elle était.
« Pourtant, un jour ton tour viendra, et tu ne pourras plus te cacher derrière tes bons sentiments de sainte nitouche. Tu feras juste ce que tu as à faire. » Termina-t-il, beaucoup trop fatigué pour la remettre davantage en place, sachant pourtant qui avait eu l'ascendant.
Il ignorait pourquoi il avait été marqué par le seigneur des ténèbres, il n'en était tout bonnement pas digne. Peut-être qu'il était comme son père après tout, un piètre bon à rien. Il finit par s'en aller, la laissant là, satisfaite d'avoir raison.
Denitsa se décida à son tour à rejoindre Blaise, dans le lit qu'ils partageaient ; il dormait déjà. Dieu seul sait à quel point il la dégouttait. Mais Dieu seul sait à quel point elle souhaitait qu'il change, qu'il cesse d'être cette personne détestable. Il ne cessait de lui prouver son impuissance, à force de s'en prendre à elle. Pourtant les choses seraient tellement si simples, s'il la traitait avec un minimum d'égard. Denitsa se glissa sous ces draps maudits, devant un Blaise qui lui tournait le dos. La jeune femme posa un instant une main sur sa peau, puis la retira presque aussitôt, comme par peur de se brûler dans ses ténèbres. Elle finit par s'endormir d'un sommeil sans rêve, appréhendant déjà le lendemain.
Pourquoi avait elle ressenti ce besoin de l'aider ? Alors qu'ils se complaisaient à se faire la guerre, depuis toutes ces années ? Il y avait longtemps que Drago avait cessé de comprendre la logique des rouges et or, ce goût prononcé de tendre le bâton, pour se faire battre.
Il haussa les épaules, avant de rejoindre son propre canapé, qui demeurait face à la cheminée. Les flammes dansaient, et reflétaient dans son regard acier, et il se détendit peu à peu. La journée avait été éprouvante, affligeante, et bien qu'il partageait ses appartements avec la pire rabat-joie qu'il puisse exister, il adorait rejoindre cette sécurité que lui apporter cette salle commune. Perdu dans ses pensées, il finit par froncer les sourcils lorsqu'ils aperçut les cendres d'un livre qu'il ne connaissait que trop. La science des étoiles à travers les âges, arriva-t-il à lire difficilement, tant les flammes avaient fait leur travail. Son regard se tourna instinctivement vers la Gryffondor, et il constata que ce livre devait sûrement lui appartenir. Il n'en revenait pas. Il n'en revenait pas, de ce qu'il allait faire.
PS : Si tu parles de cela à qui que ce soit, il y aura des représailles.
Malefoy.
hermioneamoureusededrag, Posté le dimanche 17 mai 2015 14:37
bibiche-loveserie a écrit : " "
Je te remercie pour le commentaire que tu m'as laissée, et je suis désolée de te répondre aussi tardivement ! =) C'est avec plaisir que je te préviendrai. **